Régulièrement, les signes religieux font la Une des journaux et focalisent le débat public. Or la frontière entre signes profanes et religieux n’est pas toujours claire et interroge.
1 – “Les signes religieux sont interdits dans l’espace public”
Aucune loi n’interdit aux citoyens de manifester leurs convictions religieuses dans l’espace public par le port de signes ou de tenues. Considérés comme des usagers lorsqu’ils viennent effectuer des démarches administratives, ils peuvent également arborer un signe religieux à l’intérieur des bâtiments publics. Même chose pour les parents d’élèves venus assister à une réunion ou les accompagnateurs de sorties scolaires.
La liberté de conscience, qui implique le droit de croire ou de ne pas croire, de changer de religion et de le manifester « en public ou en privé », est garantie par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Seuls la sécurité et le maintien de l’ordre peuvent limiter cette liberté fondamentale. C’est d’ailleurs à ce motif que la loi de 2011, interdisant de dissimuler son visage sur l’espace public, a été adoptée.
En revanche, la loi française stipule que les fonctionnaires, dans le cadre de leur travail, doivent s’abstenir de porter des signes religieux dans ces contextes particuliers. Les agents publics représentent un service de l’État, d’où l’exigence d’une neutralité religieuse, politique et philosophique. Dans le cas des élèves, la loi du 15 mars 2004 indique :
« Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ».
2 – “Un signe religieux est une forme de prosélytisme”
Le mot prosélytisme vient du grec et signifie « nouveau venu ». Il désigne d’abord les païens convertis au judaïsme avant de caractériser, par extension, un zèle déployé afin de convertir quelqu’un. Le terme se rapproche de celui de « propagande », désormais dédié à la diffusion d’idées politiques. Pourtant, le sens premier de ce mot est religieux lorsque le Vatican créé, au XVIIe siècle la « congrégation pour la propagande de la foi ». Aujourd’hui, le Dictionnaire des faits religieux (Puf, 2010) définit le prosélytisme comme étant un « ensemble d’incitations, couronnées ou non de succès » amenant à se convertir. Or, un signe religieux, en lui-même, n’incite pas à la conversion. L’article 31 de la loi de 1905 punit « ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu […] l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte ». Les pressions exercées contre une personne sont condamnables, pas le fait d’essayer de la convaincre d’embrasser une religion.
« Le prosélytisme ne fait pas partie du discours juridique, mais du discours politique », souligne Jean-Marie Woehrling, ancien président du Tribunal administratif de Strasbourg et président de l’Institut de droit local mosellan.
« Vouloir transmettre ses convictions fait partie de la liberté religieuse reconnue. Aujourd’hui, on qualifie parfois de prosélytisme le seul fait de manifester son appartenance religieuse, ce qui est infondé sur le plan juridique et constitue une interprétation abusive d’une forme de laïcité », analyse Jean-Marie Woehrling.
Il faut rappeler néanmoins que seul un comportement peut être prosélyte, et non le simple port de signes.
3 – “Se couvrir est un impératif religieux qui ne concerne que les femmes musulmanes”
Dans l’Antiquité, les femmes se couvraient déjà les cheveux sans signification religieuse. Une loi attribuée au roi d’Assyrie Téglath Phalazar 1er (1112-1047 av. J.-C.), exigeait des femmes mariées et aux filles d’hommes libres qu’elles sortent la tête couverte – par opposition aux prostituées.
Dans la communauté juive, la notion centrale de pudeur (tsniout en hébreu), invite les femmes à porter des vêtements assez couvrants, notamment des jupes descendant en-dessous du genou, des collants, et des manches allant jusqu’au coude. La tradition, tirée de l’interprétation d’un verset biblique, a longtemps imposé que les femmes mariées sortent la tête couverte. Cette pratique tend à tomber en désuétude, mais elle perdure dans les milieux ultra-orthodoxes où l’on pourra toujours croiser des femmes portant un couvre-chef, ou une perruque.
Chez les Chrétiens, c’est l’apôtre Paul qui impose que les femmes prient la tête couverte. Les Chrétiens des Églises d’Orient et les Chrétiens orthodoxes continuent à appliquer cette recommandation. En revanche, les Catholiques l’ont majoritairement abandonnée. Les religieuses ne sont plus tenues de porter le voile depuis le Concile de Vatican II. En général, on demande tout de même aux touristes qui entrent dans les églises de porter des vêtements arrivant jusqu’au genou et couvrant les épaules.