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La Grande mosquée de Paris a publié le 29 mars 2017 un texte « de clarification de leurs droits et devoirs dans leur foi » des musulmans français. Cette proclamation, signée de la main du recteur de la Grande mosquée, Dalil Boubakeur, aborde la plupart des sujets sensibles : tenues vestimentaires, sciences et évolution des espèces, blasphème et caricatures, laïcité, égalité femmes/hommes, antisémitisme, djihad.

Le ton est mesuré, mais assez ferme. La proclamation appelle les fidèles à « ne pas verser dans l’observation irréfléchie et obsessionnelle de règles sans finalité spirituelle », et à « respecter l’éthique de réciprocité : il faut en tous points traiter autrui comme l’on voudrait soi-même être traité ». Elle souligne aussi : « La France n’est pas une terre d’islam […]. Dans ce contexte, tout musulman doit évidemment respecter les valeurs et les lois de la République française ». Concernant le blasphème, « on peut s’en déclarer blessé ou offensé mais il ne faut ni exiger leur interdiction ni réagir par la violence ». Pour la tenue vestimentaire : « il faut retenir le principe général d’une tenue vestimentaire pudique en toutes circonstances, et non pas les vêtements précis qui sont cités. Il s’ensuit qu’hommes et femmes de confession musulmane ont simplement le devoir de s’habiller d’une façon décente ». Les sciences et la théorie de l’évolution ? « L’obscurantisme, le refus de la science, le refus du progrès scientifique, sont des lectures erronées de l’islam ».

En préambule du texte, Dalil Boubakeur s’inquiète à la fois des actes antimusulmans et « de la montée en puissance, au sein de la communauté musulmane française, d’une interprétation erronée de l’islam », tout en soulignant que ces pratiques restent minoritaires. Il condamne aussi « la tendance actuelle à vouloir désigner des autorités de tutelle, n’étant pas de confession musulmane, aux fins d’encadrer avec paternalisme l’expression du fait religieux musulman dans la société française ». Une allusion à la Fondation pour l’islam de France, nouvelle institution de laquelle la Grande mosquée a claqué la porte en janvier, estimant qu’elle ne prenait pas assez en compte les musulmans eux-mêmes ? (voir LaïCités N°6)

Un texte éclipsé ?

La proclamation, parue sur le site du Point, fait date selon certains spécialistes, parmi lesquels le politologue Thomas Guénolé qui a participé à sa rédaction en tant que consultant extérieur. La Grande mosquée de Paris est la première mosquée bâtie en France métropolitaine. Elle a été inaugurée en 1926. Sa construction a été décidée après la Première Guerre mondiale, en hommage aux dizaines de milliers de morts de confession musulmane tombés pour la France. L’édifice reste religieusement et culturellement lié à l’Algérie qui participe au choix du recteur et au budget de la mosquée.

La proclamation du recteur de la Grande mosquée de Paris n’est pas parvenue à faire oublier les dissensions entre les différentes organisations représentatives des musulmans en France. Dès le lendemain de la parution du texte, le Conseil français du culte musulman (CFCM), organe de prédilection pour mener des discussions avec l’État et dont Dalil Boubakeur a été le président, a fait paraître la première ébauche d’une « charte de l’imam », sur laquelle était apposée la signature de la Grande mosquée. Celle-ci affirme ne pas avoir participé aux dernières discussions. Le CFCM indique avoir transmis les documents et n’avoir obtenu aucune remarque, un silence considéré comme bon pour accord.

La proclamation, moins médiatisée que la querelle autour de la « charte de l’imam », rejoint donc par sa confidentialité le « Manifeste citoyen des musulmans de France », adopté le 29 novembre 2015 par dix fédérations musulmanes et cinq grandes mosquées.


Pour aller plus loin :

Article initialement publié dans la lettre LaïCités
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