Mohandas Gandhi, Nelson Mandela, Martin Luther King.
Les Rohingyas sont musulmans et considérés par l’Onu comme l’une des minorités les plus persécutées au monde. Environ un million de Rohingyas vivent en Birmanie, dans l’État de Rakhine, à l’ouest de ce pays à majorité bouddhiste.
Au total, cette minorité musulmane représente 5% des habitants de Birmanie, mais un tiers des trois millions de personnes qui vivent dans l’État de Rakhine.
Les Birmans considèrent les Rohingyas comme des bangladais, notamment parce qu’ils parlent le chittagonien, un dialecte utilisé dans le sud du Bangladesh. Ils sont aussi assimilés aux Indiens venus du Bengale voisin, sous l’impulsion des colons britanniques, pour développer la culture et le commerce du riz entre la fin du XIXe siècle et la Seconde Guerre mondiale. Depuis 1982, une loi précise que seuls les groupes ethniques pouvant prouver qu’ils étaient présents en Birmanie avant 1823* peuvent obtenir la nationalité birmane. Les Rohingyas sont donc apatrides, ce qui complique considérablement leur accès aux soins ou à l’éducation.
Les extrémistes bouddhistes sont particulièrement virulents contre cette minorité musulmane dont les villages sont régulièrement attaqués. Le figure de proue de ce mouvement est le moine Ashin Wirathu, surnommé « le Ben Laden bouddhiste ». Ce religieux est « Le Vénérable W » du film documentaire de Barbet Schroeder, sorti le 7 juin 2017. Le mouvement d’Ashin Wirathu, le Ma Ba Tha (acronyme birman du Comité pour la protection de la race et de la religion), a été interdit le 23 mai, peu après la projection du film de Barbet Schroeder à Cannes.
Camps de fortune et demandes d’expulsion
De leur côté, les autorités du Bangladesh s’inquiètent de la multiplication des camps de réfugiés Rohingyas. Ils seraient entre 410 000 et 500 000 à avoir trouvé refuge dans des camps de fortune à la frontière bangladaise. Les organisations humanitaires sur place pointent des conditions d’hygiènes effroyables et un manque d’eau qui pourrait bien provoquer une épidémie de choléra. Les autorités bangladaises sont attentives au nombre de réfugiés dont elles souhaitent « relocaliser » les camps. Depuis 2015, elles envisagent très sérieusement de les envoyer sur Thengar, une île déserte de 24 kilomètres carrés inondée pendant la mousson, exposée aux ouragans, et où on ne trouve pas d’eau douce.
La situation n’est pas meilleure du côté de l’Inde, autre pays frontalier de la Birmanie. Environ 40 000 Rohingyas ont passé la frontière indienne depuis 2012, dont près de la moitié illégalement. La Cour suprême du pays doit décider si ces réfugiés seront renvoyés en Birmanie. Le Premier ministre Narendra Modi, nationaliste hindou surnommé « la terreur des musulmans » dans son État d’origine, le Gujarat (voir LaïCités n°7), s’est clairement prononcé en faveur de l’expulsion des Rohingyas. Il les considère comme « une menace potentielle pour la sécurité nationale » – car supposément radicalisés et prêts à rejoindre les insurgés au Cachemire.
Le silence d’ Aung San Suu Kyi
Malgré les appels répétés de la communauté internationale, en particulier de l’Onu, la situation des Rohingyas n’a pas évolué. Récemment, un groupe rebelle, « l’Arakan Rohingya Salvation Army » (l’armée du salut des Rohingyas de l’Arakan) a pris les armes. Fin août, ils ont attaqué des postes-frontières, munis de couteaux et de machettes, élément déclencheur de l’intervention de l’armée birmane et de la vague d’immigration en cours. Le groupe rebelle a annoncé un « cessez-le-feu » unilatéral d’un mois pour laisser les organisations humanitaires travailler. L’armée birmane s’y refuse et continue les opérations de répression qui auraient fait environ 400 morts, pour beaucoup musulmans. L’Onu parle d’épuration ethnique.
De nombreux médias pointent le silence de la présidente du pays, le prix Nobel de la paix 1991 Aung San Suu Kyi. Elle s’est exprimée avec beaucoup de prudence le 19 septembre 2017, déplorant toute atteinte aux droits de l’Homme, sans jamais citer l’armée birmane. Des analystes expliquent que la junte militaire – qui disposait, jusqu’aux élections de 2015, des pleins pouvoirs dans le pays – a la main mise sur les appareils d’États qui permettraient d’intervenir (ministères de la Défense et de l’intérieur, commandement des armées). D’autres indiquent que l’électorat d’Aung San Suu Kyi est composé majoritairement de bouddhistes peu préoccupés par le sort des Rohingyas.
*Date de la Première guerre anglo-birmane (1824-1826) remportée par les Britanniques.
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