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“À la fin du régime communiste, on a mis des crucifix dans les classes”

Diana a 37 ans. Elle a quitté à 22 ans son village près de Katowice, en Pologne, pour venir tenter sa chance en France. Ses parents étaient partis en Amérique et ceux de Tomek, son mari, en Autriche. Le jeune couple travaille dur, lui dans le bâtiment, elle comme employée de maison. Leurs enfants sont nés à Paris : Emilia est en 6e dans un double cursus français-polonais, Hubert est en CE1. Diana raconte leur vécu dans la France laïque.

La Pologne, pays européen membre de l’Union européenne et de l’OTAN, compte environ 39 millions d’habitants. Ils sont à 87% catholiques, la pluralité religieuse ayant été presque anéantie par des conséquences de la Seconde Guerre mondiale (avec l’extermination des juifs par les nazis et l’expulsion après la guerre des Allemands protestants).

Plusieurs vagues d’immigration polonaises se sont succédé depuis le XVIIIe siècle. Elles ont apporté à la France des personnalités artistiques – tels Frédéric Chopin, Guillaume Apollinaire- ou scientifiques – comme Haroun Tazieff, les Prix Nobel Marie Curie et Georges Charpak.

Selon une estimation de 2012, le nombre de Polonais installés en France depuis la chute du régime communiste en 1989 serait de 350.000. C’est le plus fort afflux depuis les années 1920-30, où un accord entre les gouvernements français et polonais avait permis une immigration de travail de 700.000 personnes, surtout dans le Nord.

A l’époque, ce qu’on n’appelait pas encore le communautarisme était très fort dans cette population, selon un rapport du préfet du Pas-de-Calais au ministère de l’Intérieur du 11 octobre 1929 : « Les Polonais travaillant aux mines, vivant en groupe, n’ont que peu ou pas de rapports avec nos ressortissants. Loin de les rechercher, ils s’efforcent de vivre uniquement entre eux, encouragés en cela par leurs ministres du culte et par leurs autorités consulaires elles-mêmes ».


Nous essayons d’être des catholiques pratiquants. Mon père était très croyant, mes grands-parents aussi, comme tout le monde au village. On nous envoyait deux fois par semaine à l’Eglise, après l’école, pour suivre des cours de catéchisme. À la fin du régime communiste, j’avais 8 ans, je me souviens qu’on a mis des crucifix dans les classes, qu’on disait la prière le matin et que les cours de caté se faisaient à l’école. Et quand je me suis mariée, c’était seulement à l’Eglise, on n’avait plus besoin de passer par la mairie.

Respect. En arrivant en France, j’ai été frappée par un certain manque de respect envers l’Église. Chez nous, il n’était pas question de parler ou de circuler pendant la messe, ni de tourner le dos au tabernacle. Au début, mon mari et moi avons fréquenté l’église polonaise de la rue Cambon, près de la Concorde. Mais le parvis était un lieu de business, les gens venaient là pour chercher du travail, pour échanger des marchandises : cela nous choquait. Nous avons trouvé ensuite des églises françaises où des messes sont dites en polonais. Il y en a dans tous les quartiers, et je peux témoigner qu’elles sont pleines à craquer, pour l’essentiel de familles avec enfants. Nous n’y allons pas pour rencontrer des compatriotes ou pour nouer des liens communautaires, mais pour vivre notre foi. J’y attache énormément d’importance. Aller à l’église c’est une façon de se rappeler qu’on est tous ensemble : j’ai l’impression que ma mère, mon père, mes frères sont là avec moi.

Superstition. Nous avons jonglé avec les emplois du temps pour qu’Emilia et Hubert puissent suivre le catéchisme en polonais. Même si c’est un catholicisme parfois bien superstitieux qui leur est transmis. La maîtresse de religion a dit aux enfants :

« que votre mère fasse le signe de croix sur votre front le matin pour vous protéger ».

À quoi ça rime ? Alors les enfants dont les parents ne sont pas chrétiens, ou pas croyants, ils ne seraient pas protégés ? Nous sommes tous des humains. Je suis contente que mes enfants, à l’école en banlieue parisienne, voient qu’il y a des religions différentes, des enfants différents, et qu’ils trouvent ça naturel. Les Polonais sont assez racistes, pour eux il n’y a pas mieux que d’être catholique et polonais. Mes enfants ont la chance d’être plus ouverts.

Surprise. Au collège, ma fille a un copain avec qui elle s’entend bien en classe de polonais. Un soir, elle me dit sa stupéfaction : – Maman, tu sais, Jonathan est juif ! – Et alors ? – Mais il est polonais !

Elle croyait que tous les Polonais étaient catholiques. Les enfants musulmans, c’est moins surprenant pour elle. En Pologne, je ne me souviens pas d’avoir entendu des propos antisémites. Voilà comment on nous présentait la Guerre :

« Les Allemands sont entrés en Pologne et ils ont tué les juifs ; les Russes sont entrés en Pologne et ils ont tué les Polonais. »

Je trouve qu’à l’école il faudrait expliquer les religions : comment ça se passe chez les musulmans, chez les juifs, chez les chrétiens. Les enfants se comprendraient mieux entre eux et ne mélangeraient pas les terroristes et les musulmans.

Article initialement publié dans la lettre LaïCités
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