“L’éducation au fait religieux coupe l’herbe sous le pied des fondamentalistes”

Hicham Abdel Gawad est français, professeur de religion islamique en Belgique depuis sept ans. Ce diplômé d’un master de sciences des religions et de la laïcité de l’Université catholique de Louvain (UCL) a publié, en 2016, Les questions que les jeunes se posent sur l’islam (Éditions La boîte à Pandore). Il y répond à quelques questions d’élèves, mais il revient aussi sur son parcours, et prône un islam qui fait une place de choix aux sciences humaines.

Que peut apporter une approche par les sciences humaines ?

Hicham Abdel Gawad : L’approche scientifique des religions en France et en Belgique – qu’on appelle religiologie au Québec, je préfère ce terme – est prise en compte en théologie catholique mais peu ou pas dans la théologie islamique contemporaine. Pourtant, elle permet d’éviter les extrêmes dans le sens où il y aura toujours un socle de connaissances bien établies qui permettra de ne pas faire dire n’importe quoi au texte. Quand on se penche un peu sur les ouvrages fondamentalistes ou salafistes, on se rend compte qu’ils véhiculent une conception mythologique de l’islam : dans leur littérature, le Coran n’est pas un texte du VIIe siècle, c’est une parole de Dieu incréée, prééternelle au monde et qui sera d’application jusqu’à la fin des temps. Cette vision est anhistorique, elle ne s’inscrit pas dans le temps des Hommes. Les sciences humaines, notamment en ce qui concerne le texte coranique, permettent de dire que du point de vue de la foi, on peut considérer que le Coran est la parole de Dieu, mais que le texte qu’on a sous les yeux a été mis en place au VIIe siècle avec l’imaginaire de cette époque-là. Faire appel à des outils scientifiques comme l’anthropologie, la critique textuelle, la linguistique, permet de faire reculer une mythologie qui, à mon sens, ouvre les portes aux fondamentalismes. Cela laisse place à un rapport beaucoup plus rationnel à l’islam.