Rire et croyances

Pas vraiment au regard de « l’humour juif », une tradition ancienne ancrée jusque dans le Talmud*, ou des histoires de la figure de Nasreddin Hodja, un personnage bouffon dans le monde musulman. De quoi est donc fait le rire aujourd’hui ? Quelle est sa relation avec les croyances religieuses ?

Dessin de Plantu paru à la Une du Monde mardi 13 janvier 2015.

Comment le rire fonctionne-t-il ?

Le rire est d’abord une question corporelle pour Olivier Mongin, essayiste, directeur de la publication de la revue Esprit entre 1988 et 2012, et auteur de plusieurs ouvrages sur le rire. Même le rire lié au langage, qui mobilise le corps non mobile, précise-t-il.

« Tout ce qui sort du corps pose problème. Le rire est une éructation, un bruit dont on ne savait pas exactement d’où il venait, d’où l’interdiction faite aux moines de rire au Moyen Âge : à l’intérieur du corps pouvait se loger le diable et le rire pouvait donc être diabolique. Le rire peut aussi être associé à la monstruosité et à l’étrangeté ».

Le spécialiste invite à penser ensuite le rire post-Moyen Âge avec Rabelais (env. 1483-1553) : « un rire qui se joue entre le haut et le bas, mais qui est aussi une question d’équilibre parce que si on s’occupe trop de la tête, on ne rit pas, et que si on est trop coïtal, le rire devient vulgaire. Le rire se trouve toujours sur un fil entre le haut et le bas, d’où l’image du faiseur de rire funambule, qui apparaît d’ailleurs dans le film Le Cirque (1928) de Charlie Chaplin ». Dans cette scène, le comique muet tente de parcourir le fil, mais il est dérangé par trois petits singes qui tentent de lui faire perdre l’équilibre.

Olivier Mongin file la métaphore :

« le rire est toujours sur un fil, à la limite, on y retrouve donc la question de la frontière, ce qui me semble particulièrement intéressant puisque les plus grands faiseurs de rire aujourd’hui sont souvent des personnes d’origine immigrée ou des migrants, parfois issus des cités, comme Jamel Debbouze, Gad Elmaleh, ou Fellag, qui jouent sur les espaces, les langues et les différentes identités ».