Le calendrier inclusif : 25 idées reçues à questionner sur la laïcité, l’égalité femmes-hommes et le handicap !
Ce préfet a été chargé d’une mission sur la laïcité par le secrétaire général du ministère de l’Intérieur en octobre 2017. Il devait notamment mettre au point une méthode pour assurer une meilleure coordination entre les différents services dans les administrations et collectivités locales suivant une recommandation de l’Observatoire de la laïcité du 19 septembre 2017.
Que dit ce rapport ?
Ce n’est pas un rapport sur la coordination avec les collectivités locales qui a été remis au Premier ministre Édouard Philippe le 22 février 2018. Mais plutôt une enquête non exhaustive d’une quarantaine de pages sur le respect de la laïcité, les « affirmations identitaires inspirées par la religion », et les actions qui permettraient de soutenir des « politiques de citoyenneté ».
Un « rapport alarmant », titre l’hebdomadaire Le Point en référence aux nombreux exemples cités (« allergies au chlore » de jeunes collégiennes qui refusent de participer aux cours de piscine à Strasbourg, petits garçons de 8 ou 9 ans qui ne répondent pas à l’autorité de leur enseignante parce qu’elle est une femme, petites filles qui portent des vêtements traditionnels amples (jilbeb) depuis l’installation d’une salle de prière à tendance salafiste à Nantes, professeur d’arabe boycotté par des parents d’élèves car jugé trop « humaniste » et n’abordant pas assez le Coran, etc. ). La plupart des cas mentionnés concernent l’islam. L’auteur précise qu’ils peuvent également être le fait de catholiques intégristes, de mouvements évangéliques ou de juifs orthodoxes (8 mentions contre plus de 20 sur l’islam). Ces cas concrets sont généralement moins développés : par exemple, il est seulement fait mention de « mouvements chrétiens qui organisent des prières collectives » en opposition à l’ouverture du mariage aux homosexuels et en soutien aux Chrétiens d’Orient et de « célébrations spectaculaires » sans plus de précisions dans des communautés juives orthodoxes.
Gilles Clavreul prend la peine de souligner que ces cas sont minoritaires et assume qu’en les décrivant, il « surexpose fatalement les difficultés », dès le début du rapport. Reste qu’il expose aussi « un signalement qui demande à être confirmé » (page 11) et indique à plusieurs reprises qu’il faudrait davantage enquêter (concernant les centres hospitaliers notamment). Le préfet affirme d’ailleurs ne pas prétendre « à l’exhaustivité ni à l’exactitude scientifique ». Son rapport s’appuie sur « des dizaines de témoignages » – chefs de service de l’État, caisses d’allocations familiales, maires, élus, quelques directeurs d’établissements scolaires et de centres hospitaliers, responsables des formations, quelques représentants des cultes, etc. – recueillis dans neuf départements.
Les « propositions choc » en conclusion du rapport rapportées par Le Figaro sont les suivantes :
- Conditionner le soutien de l’État (subventions, emplois aidés) au respect d’une charte de la laïcité
- Former tous les agents de l’État à la laïcité d’ici à 2020
- Intégrer la laïcité dans les épreuves du Bafa (diplôme des animateurs dans les centres de vacances)
- Cartographier les « situations problématiques »
- Mieux dénombrer les « atteintes à la laïcité »
« Un rapport décevant » ?
Le président de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, a publié un communiqué dans lequel il explique que la plupart des propositions correspondent à des actions déjà réalisées (mettre en place un site Internet www.laicite.gouv.fr , faire signer une charte de la laïcité aux associations subventionnées par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), renforcer la formation à la laïcité durant le Bafa, formation de 25 000 agents publics et acteurs de terrains). Il regrette « le manque de rigueur méthodologique de ce rapport » et la méconnaissance de ces actions tout en retenant que « quelques propositions sont de bon sens ». Le rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène, précise que ce rapport est « décevant » car il ne répond pas non plus aux questions initiales.
Pourquoi le préfet Gilles Clavreul a-t-il rendu public ce rapport qui ne correspond que très partiellement à la recommandation de l’Observatoire de la laïcité, pourtant à l’origine de sa mission ? Souhaitait-il passer un message d’ordre plus politique et militant ? Il décrit à plusieurs reprises des « incertitudes sur la “doctrine” qui pèsent sur l’implication des acteurs » et des difficultés liées à un manque de consensus sur la définition de la laïcité en tant que principe.
Le préfet est proche de l’ancien Premier ministre Manuel Valls et cofondateur avec le politologue Laurent Bouvet du mouvement « Printemps Républicain », créé pour défendre une laïcité plus affirmée après les attentats de Paris de janvier 2015. Manuel Valls, comme les membres du Printemps Républicain, reprochent régulièrement à l’Observatoire de la laïcité de manquer de fermeté et de pratiquer une laïcité d’accommodements. De son côté, l’Observatoire rappelle régulièrement qu’il ne défend pas une laïcité « ouverte », mais la laïcité telle qu’elle est appliquée dans l’état actuel du droit et dans la continuité de sa construction historique.
Gilles Clavreul a reçu le « Prix de la laïcité » 2017 du Comité Laïcité République, une association militante qui a également primé des personnalités comme la journaliste Caroline Fourest ou Natalia Baleato, directrice de la crèche Baby-Loup de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) placée sous le feu des projecteurs entre 2009 et 2014 durant une série de procès et d’appels pour le licenciement de sa directrice adjointe qui portait le voile sur son lieu de travail à son retour de congé maternité.