Mohandas Gandhi, Nelson Mandela, Martin Luther King.
Le Cheikh Bentounès est le guide spirituel de la confrérie soufie Alawiyya qui compte des milliers de fidèles dans le monde. Il a fondé en 1990 les Scouts musulmans de France. Il est l’initiateur de la Journée internationale du vivre Ensemble en paix, adoptée à l’unanimité par l’ONU en 2017, fixée le 16 mai. Cette interview est parue dans les Cahiers de l’Orient n°133 « La laïcité en France, ambition ou inquiétude ? » paru début 2019.
Y a-t-il un problème entre les jeunes musulmans français et la laïcité ?
C’est assez paradoxal. Je parle en particulier des jeunes musulmans et des scouts musulmans de France que j’ai créés il y a bientôt 30 ans. Quand ils sont avec d’autres jeunes, catholiques, protestants, juifs – et « laïques » -, ils se sentent mutuellement solidaires et « en phase ». Ils vivent leur époque, la laïcité n’est pas une bataille politique. Mais quand on pointe du doigt l’identité, les problèmes surgissent. C’est comme si nous, les adultes, nous leur envoyions une image d’eux-mêmes qui est brouillée. Je le constate tous les jours : plus ils sont jeunes et plus le courant passe à merveille. Ils parlent de leur personnalité, de ce qu’ils pensent, de ce qu’ils voient, de ce qu’ils partagent, sans difficulté, sans appréhension. Ils vivent, tout simplement. Mais dès qu’intervient la notion de leur appartenance à une composante religieuse, ou sociale, ou identitaire, c’est comme si on jetait le doute et le malaise entre eux. En posant la question, on soulève quelque chose qui perturbe les jeunes – parce que nous-mêmes ne l’avons pas résolu, et ça se voit, et ça se sent. Quelque part ils sont le reflet de notre malaise. Leurs différences, ils les vivent naturellement, sans y penser, et c’est nous qui leur assénons des clichés : vous êtes ceci, vous êtes cela… D’où l’importance, à mon avis, de communiquer avec nos jeunes de façon universelle. De nous libérer nous-mêmes de cette hantise. Le jeu de l’identitaire est un jeu dangereux. Et plus on avance dans le temps, plus on voit qu’il peut fracturer la société.
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