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prestataires privésDe plus en plus, l’État et les collectivités font appel à des prestataires privés – entreprises, associations ou indépendants – auxquels ils confient des missions variées.

Dans ce contexte, alors que les agents publics sont tenus à une obligation de stricte neutralité, qu’en est-il des prestataires privés des services publics ?

La neutralité du service public

Dans le respect du principe de laïcité, la neutralité de l’État se manifeste à travers celle des services publics et de leur personnel. Ainsi, les agents, contractuels, stagiaires et volontaires en service civique au sein des organismes public sont tenus de respecter une obligation stricte de neutralité qui leur interdit de manifester leurs convictions, notamment religieuses, dans l’exercice de leurs fonctions.

Par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, cette obligation a été étendue aux salariés des entreprises publiques, des bailleurs sociaux et des entreprises ferroviaires de transport de voyageurs. Par ailleurs, cette loi a également entériné le principe selon lequel les prestataires privés auxquels est confiée l’exécution d’un service public doivent également respecter l’obligation de neutralité.

Qu’est-ce qu’une « mission de service public » ?

De nombreux prestataires privés peuvent être amenés à travailler avec des services publics. Cependant, toute activité réalisée pour le compte d’une entité publique ne constitue pas nécessairement une mission de service public. De même, toute activité d’intérêt général n’est pas automatiquement considérée comme une mission de service public.

En effet, le Conseil d’État rappelle « qu’une même activité peut être, en différents endroits du territoire, tantôt un service public, tantôt une activité d’intérêt général. Une activité d’intérêt général, alors même qu’elle pourrait constituer un service public si elle était assumée par une personne publique, n’est pas soumise aux règles et principes du service public lorsqu’elle est uniquement subventionnée et réglementée. »

En l’absence de définition légale précise, la jurisprudence a établi trois critères à réunir pour qualifier la délégation d’une mission de service public :

  • l’intérêt général attaché à l’activité ;
  • le contrôle de l’administration : l’organisme privé doit être soumis à un contrôle effectif de l’administration quant à l’exécution de l’activité ;
  • la détention par l’organisme privé de prérogatives de puissance publique, ce critère étant toutefois appliqué avec souplesse.

Lorsque ces conditions sont réunies, le prestataire privé est considéré comme délégataire d’une mission de service public et doit respecter l’obligation de neutralité, au même titre que les agents publics. Par exemple, une entreprise privée assurant le transport scolaire sous délégation de service public doit veiller à ce que ses chauffeurs ne portent aucun signe religieux visible. 

Prestataires privés non délégataires : quelles règles s’appliquent ?

De nombreuses prestations, bien que réalisées pour des organismes publics, ne remplissent pas les conditions nécessaires pour entrer dans le cadre de la délégation de service public. C’est notamment le cas des prestations dites de support, telles que le nettoyage, la maintenance informatique ou le gardiennage. Ainsi, lors du débat parlementaire précédant l’adoption de la loi de 2021, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait précisé que « la femme de ménage, employée par une société qui a conclu un marché public avec la mairie […] ne sera pas plus soumise demain qu’elle ne l’est aujourd’hui à la neutralité qui s’impose aux agents du service public. En effet, même en présence d’un contrat, l’objet doit être l’exécution du service public. Or, ni la loi ni la jurisprudence ne voient dans cette activité une mission de service public. »

Ces prestataires privés ne sont donc pas concernés par l’obligation de neutralité. Toutefois, certaines mesures doivent être mises en place pour préserver le bon fonctionnement du service public, en premier lieu leur identification claire en tant qu’intervenants extérieurs. Ils doivent être facilement reconnaissables comme prestataires privés du service public, afin d’éviter toute confusion de la part des usagers (port de tenues spécifiques, badges d’identification, etc.). Par ailleurs, ils ne doivent en aucun cas faire de prosélytisme ni de propagande politique ou philosophique dans le cadre de leur prestation.

Exceptions possibles : lorsque le bon fonctionnement l’exige

Lorsque des prestataires privés exercent de manière pérenne des missions au sein d’un établissement public, dans les mêmes locaux et aux mêmes horaires que les agents publics, la différence de traitement entre ces agents soumis à l’obligation de neutralité et les prestataires qui ne le seraient pas peut être source de difficultés.

Afin d’éviter toute atteinte au bon fonctionnement des services, il est alors possible d’imposer la neutralité à des prestataires privés, même en l’absence de délégation de service public. Par exemple, des agents de sécurité privés intervenant au sein de locaux publics, aux côtés d’agents publics et au contact des usagers, pourraient se voir imposer une obligation de neutralité, d’autant lorsque ces missions étaient auparavant assurées directement par l’administration.

Synthèse et mise en œuvre

L’application ou non de l’obligation de neutralité aux prestataires privés dépend donc de la nature de leur prestation ainsi que de leur statut vis-à-vis de l’organisme public qui les fait intervenir. Les prestataires privés délégataires d’une mission de service public sont tenus au respect de cette obligation, contrairement aux autres qui doivent néanmoins respecter les règles garantissant le bon fonctionnement du service public.

Enfin, si les organismes publics n’ont pas le pouvoir d’intervenir directement dans le fonctionnement interne des prestataires privés ni dans les dispositions de leur règlement intérieur, les règles applicables peuvent être spécifiées dans les contrats de prestation. Les employeurs privés pourront alors apporter les modifications nécessaires à leur politique interne, en veillant à ce que toute restriction des libertés des salariés soit justifiée par la nature de la mission, proportionnée au but recherché et motivée par un besoin véritable.

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