Modifier la loi de 1905 selon Emile Poulat

Ce texte d’Émile Poulat (1920-2014), historien et sociologue, auteur de nombreux ouvrages sur la loi de 1905 et la laïcité, a été écrit en 2011 après que l’homme d’affaires Alain Minc, conseiller proche du président d’alors Nicolas Sarkozy, s’était prononcé pour une modification de la loi de 1905. Un texte qui résonne différemment aujourd’hui, alors qu’un projet de réforme de la loi de 1905 est à l’étude.

“ Alain Minc estime que la loi de 1905 doit être modifiée. Beaucoup le disent et le pensent comme lui. Jean-François Coppé juge au contraire qu’il ne faut pas la modifier. Beaucoup partagent sa conviction. Le cardinal Barbarin a rappelé qu’elle avait été plusieurs fois modifiée : en fait et très précisément cinquante fois en un siècle. On peut donc, mais faut-il ? C’est toute la question, avec, dit ou non dit, ce qui la nourrit : l’islam et les musulmans en France, pays de vieille tradition catholique constitutionnellement laïque.

En apparence, nous sommes devant une alternative : faut-il ou ne faut-il pas ? En réalité, il est urgent et nécessaire de sortir de cette méchante alternative, illusoire, pour s’interroger : laïcité et loi de 1905, de quoi parlons-nous ?

La laïcité n’est ni seulement, ni nécessairement la séparation des Églises et de l’État, la tolérance ou la libre pensée. Son esprit est contenu dans l’article 10 de la Déclaration de 1789 : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses » (c’est-à-dire, à cette date, émancipées de la doctrine catholique). L’article 1 er de la loi de 1905 passe du principe à la loi, en d’autres termes et toujours sans le mot : « La République assure la liberté de conscience » et, en corollaire, « garantit le libre exercice des cultes » (tous, ce qui est une nouveauté dans l’histoire de la France, mais sans en nommer aucun), seule loi au monde à offrir cette garantie.