« La laïcité en France est construite autour de deux mythes »

Philippe Gaudin est directeur adjoint de l’Institut européen en sciences des religions (IESR), un organisme fondé en 2002 peu après la parution du rapport de Régis Debray sur l’enseignement des faits religieux à l’école. Il est l’auteur de nombreuses recherches, de livres et d’articles sur l’enseignement des faits religieux et de la laïcité.

Quel est le point de départ de votre livre ?

Philippe Gaudin : J’ai voulu recueillir le fruit de plus de dix années d’expériences sur la laïcité. Il s’agit d’un sujet sur lequel je réfléchis depuis très longtemps. Déjà, dans les années 1990, j’avais dirigé et préfacé un ouvrage collectif intitulé « Premiers pas dans les grandes religions » (Ellipses, 1995). Je suis enseignant à l’Institut européen en science des religions (IESR) et à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et j’ai rédigé une thèse en sciences politiques sur l’enseignement des faits religieux. Je mène par ailleurs des formations sur la laïcité auprès de tous les types de fonctionnaires, que ce soit la fonction publique hospitalière ou la fonction publique territoriale.

J’ai donc voulu réunir dans un livre mes réflexions développées au cours de toutes ces années d’expérience, de pratiques et de formation. Il ne s’agit pas de faire un coup médiatique, ce livre s’inscrit dans l’esprit de cette collection des éditions Robert Laffont intitulée « Nouvelles mythologies ». La laïcité est évidemment un principe juridique consacré par la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État et entré dans le préambule de la Constitution française de 1946. Mais s’il existe la laïcité dans les textes, il existe aussi la laïcité dans les têtes, les cœurs et les tripes. La laïcité est une pratique mais c’est aussi un concept rempli de mythologies et de récits divers. Si on ne le sait pas, on est incapable de comprendre comment, après la réconciliation des deux Frances – la catholique et la laïque -, la laïcité a pu redevenir le lieu du dissensus.