Cas unique en Europe et pratiquement dans le monde, la France ne propose pas de cours sur les religions mais les enseigne à ses élèves de façon transdisciplinaire.
« N’hésitez pas à poser des questions, je n’ai aucun tabou », indique d’emblée Michaël Barer, sa kippa sur la tête, avant d’entrer dans la Grande synagogue de Lyon avec un groupe d’une vingtaine de jeunes. Ce sont des étudiants d’une école de commerce. Leur établissement leur a proposé cette visite de lieu de culte. En attendant les élèves en retard, Michaël Barer demande aux étudiants s’ils sont déjà entrés dans une synagogue, s’ils ont déjà assisté à une fête juive ou à un repas de shabbat. Rares sont les mains qui se lèvent. Son ambition : « leur faire découvrir ce qu’est le judaïsme et qui sont les juifs en partant d’un bâtiment et de ce qui se trouve à l’intérieur ». Cela commence bien évidemment par ce qu’il a sur la tête : une kippa, dont il invite les étudiants à se couvrir en entrant dans la synagogue. « Ne vous inquiétez pas, ça ne vous rend pas juif ! », indique-t-il avec humour. Le ton de la visite est donné.
À l’intérieur, Michaël Barer passe tout en revue : la galerie des femmes à l’étage (la synagogue est plutôt traditionnelle, elles prient séparées des hommes), les chandeliers à neuf branches (qui sont dédiés à la fête de Hanoukka*), les rouleaux de la Torah – toujours entièrement composés de matériaux naturels, ici, de peau et de bois –, le petit bâton en forme de main pour lire plus confortablement le texte sacré. Il montre la différence entre l’hébreu des rouleaux et celui des livres, plus facile à déchiffrer pour ceux qui ne maîtrisent pas encore complètement la langue. Michaël Barer enfile même son propre châle de prière, montre comment il noue ses téfilines (boîtes carrées qui contiennent des parchemins à fixer avec une lanière en cuir autour de la tête et d’un bras), et joue aux étudiants un peu de l’instrument traditionnel des fêtes juives, le choffar, composé d’une corne de bélier. « Je comprends que les juifs aient pu faire un peu peur lorsqu’ils portaient cet accoutrement au Moyen Âge », plaisante-t-il en retirant ses téfilines. Il a déjà abordé l’histoire : les métiers que les juifs n’avaient pas le droit d’exercer, la rouelle jaune qui sera reprise par les nazis, l’obtention de la citoyenneté en France (en 1830) après l’égalité en droits en 1791, les vagues d’immigration. Il sonde les élèves : « Combien il y a de juifs en France aujourd’hui ? En pourcentage de la population ». Une majorité pense qu’entre 10 et 20% de la population française est de confession juive. Chuchotements interloqués quand Michaël Barer leur donne le véritable chiffre : moins de 1%.
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