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sainte-genevieveSainte-Barbe des sapeurs-pompiers, Saint-Martin des policiers, Sainte-Geneviève des gendarmes… En France comme ailleurs, de nombreuses professions célèbrent leur saint·e patron·ne le jour de sa fête. Mais une telle pratique est-elle bien autorisée pour les agents publics, qui sont pourtant tenus à la neutralité en matière religieuse ? S’agit-il au contraire d’atteintes à la laïcité ?

C’est une réalité incontestable : chaque 26 novembre, il se tient en France des célébrations officielles de la Sainte-Geneviève, sainte patronne des gendarmes de France, ou encore de la Sainte-Barbe, sainte patronne des sapeurs-pompiers, chaque 4 décembre. Ces célébrations professionnelles sont très souvent relayées non seulement dans les médias locaux, mais aussi sur les sites institutionnels des services publics concernés.

Neutralité des agents, des services et des bâtiments publics… sauf exception !

Comme le rappelle le Code général de la fonction publique et en vertu du principe de laïcité, il est interdit aux agents publics de manifester leurs convictions religieuses (ainsi que politiques et philosophiques) dans l’exercice de leurs fonctions, conformément à leur obligation de neutralité. L’article 2 de la loi de 1905 portant séparation des Églises et de l’État dispose, en outre, que la République et ses services publics ne doivent marquer aucune préférence envers l’un ou l’autre des cultes.

Cependant, les tribunaux administratifs et le Conseil d’État ont à plusieurs reprises tenu compte des traditions et coutumes locales dans l’application de ces dispositions générales, admettant ainsi des dérogations exceptionnelles à la règle. Par exemple, le Conseil d’État considère qu’il peut être autorisé d’installer une crèche de Noël dans une mairie, sous certaines conditions telles que l’existence d’une tradition locale ancrée. Ainsi, les communes de Provence peuvent continuer à exposer les santons traditionnels de la région.

L’organisation de célébrations autour de la Sainte-Geneviève pour les gendarmes ou de la Sainte-Barbe pour les sapeurs-pompiers semble ainsi pouvoir entrer dans le cadre de ces « tolérances » liées à la tradition, à l’histoire et aux usages. C’est en tout cas l’interprétation qu’a faite le tribunal administratif de Nîmes lorsqu’il a été saisi à ce sujet en 2021, en estimant que le principe de neutralité du service public n’était pas méconnu du moment que l’invitation à de telles cérémonies « présente un caractère facultatif et s’inscrit dans le cadre d’une manifestation annuelle, traditionnelle et festive participant à la cohésion et à la représentation de l’institution » en question.

Inscription des célébrations dans des dispositifs existants

Pour certains métiers concernés par ces célébrations de saint·es patron·nes, des dérogations à l’obligation de neutralité sont d’ores et déjà prévues par ailleurs, en raison des défis spécifiques que ces agents rencontrent dans l’exercice de leurs fonctions. En effet, à l’instar des autres militaires, les gendarmes peuvent voir leur liberté de mouvement restreinte, et donc leur accès au culte limité. Pour remédier à cela, des services d’aumônerie ont été institués, qui permettent aux militaires de pratiquer leur culte au sein des institutions, dans un cadre notamment rappelé par la loi de 1905. Ainsi, il arrive parfois que ce soit le service d’aumônerie concerné qui se charge d’organiser une célébration pour la Sainte-Geneviève dans la Gendarmerie.

Par ailleurs, il existe dans de nombreux services publics un dispositif d’autorisations spéciales d’absence pour motif religieux. Celui-ci permet aux agents publics de bénéficier – à titre individuel – de jours d’absence (en plus de leurs jours de congés annuels) afin de pouvoir célébrer les grandes fêtes propres à leur confession, à condition que cela ne porte pas atteinte aux nécessités de service. Là encore, il serait envisageable que des agents publics demandent à bénéficier de l’une de ces autorisations spéciales d’absence à l’occasion de célébrations telles que la Sainte-Barbe ou la Sainte-Geneviève.

Des « inventions » de la tradition ?

Si la Sainte-Barbe des sapeurs-pompiers paraît relever d’une tradition véritablement ancienne, la Sainte-Geneviève des gendarmes le semble moins. En effet, Geneviève n’a été déclarée sainte patronne des gendarmes qu’en 1962, comme l’indique le site officiel du magazine de la Gendarmerie nationale, qui relate par ailleurs – sans les mettre en perspective – les « miracles » qu’elle aurait accomplis. Quant à la Saint-Martin des policiers, elle n’a que 30 ans, comme le rappelle L’Yonne républicaine par une formule étonnante :

« Depuis 1993, saint Martin a été reconnu patron des policiers de France par la Conférence des évêques de France et le ministre de l’Intérieur. »

« Zones grises » de la laïcité : enseignements et interrogations

Les raisonnements juridiques exposés précédemment permettent donc de considérer ces célébrations annuelles de la Sainte-Geneviève ou de la Sainte-Barbe comme conformes au cadre posé par la loi et par la jurisprudence, pour le moins lorsqu’elles relèvent de traditions ancrées. Ces cas d’espèce soulèvent néanmoins des interrogations plus profondes. En premier lieu, cela pose la question des rapports entre le « culturel » et le « cultuel » ainsi que de la définition de chacune de ces dimensions, de leurs frontières et de leurs recouvrements avérés ou possibles. Ici se pose, en somme, l’épineuse question de savoir ce qui est « religieux » ou non, et de ce que le « religieux » devient lorsque la société se sécularise et se diversifie considérablement.

De fait, la Gaule devenue la France a été un pays majoritairement catholique pendant plus de 1 200 ans, ce qui laisse bien sûr des traces profondes dans les mœurs, les usages, les traditions et les coutumes de la nation. De nombreux exemples peuvent l’illustrer, depuis le sapin de Noël (d’abord païen, puis christianisé et finalement sécularisé) jusqu’à la galette des Rois, et depuis le poisson du vendredi dans les cantines jusqu’au calendrier des jours fériés et à celui des saints et saintes de l’Église catholique. Malgré l’ensemble des mesures de laïcisation des institutions publiques mises en place depuis plus d’un siècle, cet héritage demeure et vient parfois percuter l’idée d’un service public qui appréhenderait le fait religieux avec une absolue neutralité.

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