Les religions rassemblées face au projet de loi sur la fin de vie
Pour la première fois simultanément, les représentants des principales religions présentes en France ont appelé à la prudence en matière d’évolution législative sur la fin de vie.
C’est une première, et quelque peu solennelle. Lors d’une conférence de presse commune le 23 janvier à Paris, les figures de proue des principales religions présentes en France se sont exprimées en même temps pour redire leur inquiétude face à la nouvelle loi sur la fin de la vie, attendue pour courant février. Représentant respectivement le judaïsme, le bouddhisme, le catholicisme, le protestantisme et l’islam, ces hommes (la seule femme était la théologienne catholique Véronique Margron) ont rappelé leur précédente intervention commune, un livre intitulé Religions et fin de vie : les témoignages de grandes voix religieuses. Paru en octobre dernier chez Fayard sous la direction de l’anthropologue Laetitia Atlani-Duault, cet ouvrage avait été alors médiatiquement éclipsé par l’attaque du Hamas sur le sud d’Israël. D’où la nécessité pour les contributeurs de se réunir physiquement, près de trois mois plus tard, devant la presse en espérant obtenir plus d’écho.
On ne veut pas être entendus plus que les autres, mais pas moins non plus, Haïm Korsia, Grand Rabbin de France
Mieux appliquer la loi existante en développant les soins palliatifs pour éviter une “rupture anthropologique”
Plutôt que d’ouvrir une boîte de Pandore avec une nouvelle norme autorisant l’euthanasie ou le suicide assisté, les orateurs ont souligné – sans surprise – l’urgence de mieux faire appliquer le droit existant. « Nous sommes très prudents sur la nécessité d’une loi, explique Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France. La loi Claeys-Leonetti répondait à beaucoup de nécessités, l’enjeu est de la faire vivre davantage. » « On a une loi très bien faite, confirme Haïm Korsia, avec un seul défaut : les soins palliatifs ne sont pas assez développés. Mettons-les enfin en place partout et ensuite on verra » ; un changement de paradigme que la nouvelle dénomination « soins de l’accompagnement » permettrait de signifier.
Comment ? Par la généralisation des services dédiés, la multiplication des lits, la formation du personnel, etc. Pourquoi ? « On ne peut pas décider que, même dans un cas exceptionnel, on peut donner la mort », résume le grand rabbin, y voyant comme la plupart des intervenants une « rupture anthropologique ». En effet, à en croire les opposants à l’aide active à mourir, les demandes « d’en finir » sont proportionnellement rares par rapport à l’ensemble des malades potentiellement concernés ; et elles s’estompent le plus souvent quand leurs souffrances sont efficacement prises en charge, que celles-ci soient physiques bien sûr, mais aussi psychologiques (isolement, peur de perdre sa dignité, d’être un poids pour l’entourage, etc.) et même spirituelles.